Présentation du projet d’analyse de textes philosophiques québécois assistée par ordinateur

En mai 2021, le programme Savoir du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) accordait au Laboratoire d’analyse cognitive de l’information (LANCI) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) une importante subvention de recherche. L’objectif principal de ce projet interdisciplinaire est d’analyser un corpus historique de textes philosophiques québécois à l’aide d’outils informatiques utilisant des acquis récents de l’intelligence artificielle (IA).

L’IA et les humanités numériques sont appelées à transformer en profondeur les champs de la recherche et de l’enseignement. Auparavant, on ne pouvait mener de grands travaux en histoire de la philosophie québécoise, car on ne disposait d’aucune collection conséquente de textes. Mais un patrimoine numérique est maintenant constitué et plusieurs collections de textes philosophiques ont été mises en ligne : le PPDQ, le Patrimoine philosophique du Québec (Simard et al. 2011- ), les textes pertinents des Classiques des sciences sociales de l’Université du Québec à Chicoutimi (Tremblay et al. 2000- ), des textes philosophiques numérisés par BAnQ (Bibliothèque et Archives nationales du Québec), ainsi que les textes issus des trois principales revues savantes en philosophie au Québec : le Laval théologique et philosophique, Dialogue et Philosophiques.

Un projet de recherche en trois volets

Le volet 1 du projet propose une analyse sémiotique de la textualité dans ces textes québécois de philosophie. On peut tirer de cette collection de textes ciblés divers corpus se prêtant de manière heuristique à trois types d’analyse discursive : l’analyse de thèmes, de concepts ou d’arguments. Dans ce cadre, on examinera des textes philosophiques, mais on étudiera aussi le rôle de l’essai, une signature de l’histoire des idées au Québec. Les chercheurs ont souvent mené de telles analyses, mais elles ne sont jamais poursuivies de concert. Or, elles peuvent être mises en relation récursive pour traiter efficacement des textes philosophiques.

Le volet 2 du projet détaille les technologies utilisées pour appuyer le traitement de ce patrimoine numérisé trop vaste pour être maîtrisé par les moyens usuels. Si les fondements épistémologiques et la méthodologie de ce type d’analyse font appel aux théories de la linguistique textuelle ainsi qu’à la philosophie du langage, on peut assister la lecture et l’analyse des textes par des algorithmes issus de la recherche en IA. Ce volet présente donc les outils facilitant ces analyses et permettant une dissection stratifiée du texte philosophique. À cette fin, on crée une chaîne de traitement algorithmique qui va de la préparation initiale du corpus à l’interprétation finale des résultats, en passant par la reconnaissance des caractères, le moissonnage, l’étiquetage linguistique, la fouille de texte, l’extraction d’information, la catégorisation, ainsi que les analyses thématique, conceptuelle et argumentale. Bref, se trouve mobilisé l’ensemble des moyens pertinents pour aider la recherche dans toutes les phases de la saisie, de la lecture et de la compréhension d’un texte.

Les modèles formels utilisés sont de type mathématique, statistique et logique. Quant aux modèles computationnels, ils appliquent des algorithmes issus des recherches classiques et récentes de l’IA pour le traitement automatique du langage et de la fouille de textes : bases de connaissances, schémas de règles, apprentissage machine et profond, et extractions de relations sémantiques. Le deuxième volet en appelle donc à trois disciplines intimement liées : la linguistique computationnelle, l’intelligence artificielle et les mathématiques.

Le dernier volet du projet vise un transfert des méthodes, de l’expertise et des outils informatiques aux domaines universitaire et collégial de la formation et de l’enseignement. Pour ce faire, un plan de mobilisation accompagne le projet. Il prévoit les modalités de diffusion, de formation et de publication qui impliqueront la collaboration avec diverses institutions d’enseignement. Il aimerait contribuer à la formation d’une nouvelle génération d’étudiants et de professeurs, qu’il s’agisse des universités ou des collèges. Il souhaite ainsi les préparer à relever un défi de taille soulevé par les transformations de la recherche et de l’apprentissage à l’ère de l’économie numérique.